Vendredi dernier, aux alentours de 13h30, je m’apprêtais à partir de chez moi pour aller acheter un lustre que j’avais repéré les jours précédents dans un magasin de Cannes-la-Bocca. Je suis repassée par ma cuisine pour je ne sais quelle raison, quand mon pied gauche a violemment heurté le pied de mon vélo d’appartement. Je vous confirme qu’un pied d’être humain fait de chair et d’os est bien plus fragile qu’un pied de vélo d’appartement. Pied de CyCy 0, pied du vélo d’appartement 1. Mon petit orteil gauche me fait atrocement mal et ce qui m’inquiète, c’est que la douleur ne cède pas. L’orteil est rouge et relativement gonflé. Détail plus inquiétant, il est complètement déplacé par rapport aux autres orteils : il part très nettement sur la gauche, à une trentaine de degrés des autres orteils...Je prends un des accumulateurs de froid de ma glacière au congélateur, je pose ma pauvre patte dessus, et j’ai toujours autant mal. Bon, je ne suis pas bête, je crois que je viens de me casser le petit orteil, comme ma mère en septembre 2009. Je demande à Coco, qui est au travail, s’il est débordé ou s’il a éventuellement un instant à me consacrer pour m’accompagner aux urgences de l’hôpital de la Fontonne à Antibes. Il croit que je blague...Malheureusement non...Bon, j’enfile ma chaussure, le pied rentre dedans, mais cela fait quand même bien mal. Je prends deux Doliprane pour calmer la douleur. Coco arrive rapidement, et nous allons à l’hôpital. Il est 14h, je suis assez inquiète du temps d’attente car l’accueil est blindé. Je procède aux formalités d’admission et je m’installe sur une chaise dans le hall, attendant patiemment que l’on m’appelle. Je suggère à Coco de retourner au travail, car je risque de ne pas sortir tout de suite. Il repart, et je suis censée le rappeler quand je sors...L’infirmière m’appelle au bout d’une longue demi-heure. Je pensais que j’allais être examinée, mais non ! Elle va juste me prendre la tension pour compléter mon dossier ! :-( Je ne le sais pas encore, mais mon attente va être interminable.
Ce qu’il y a de "sympa" aux urgences, c’est que l’on ne risque pas de s’ennuyer. Je discute avec une jeune femme qui a trempé sa main jusqu’au poignet dans de l’huile brûlante. Il paraît que la casserole était sombre et qu’elle n’avait pas vu ce qu’elle contenait. Je parle ensuite avec une pauvre dame dont le mari, qui n’avait plus de tonus musculaire depuis un ou deux jours, est dans un état proche du coma. Plus tard, une poubelle devant l’hôpital prend feu à cause d’un mégot de cigarette mal éteint. Nous avons aussi eu droit à l’arrivée assez remarquable d’une tarée qui s’était cassé la cheville un ou deux jours avant et qui portait un plâtre. Elle a exigé qu’on lui retire son plâtre car elle disait qu’elle devait partir à la montagne le lendemain pour un stage et qu’elle voulait grimper aux arbres (chose difficilement concevable avec sa forte corpulence...). Le médecin lui a dit que sa cheville était cassée et qu’elle aurait mal si on la déplâtrait. Elle a insisté, elle prétendait qu’elle s’en fichait d’avoir mal et elle a crié : "C’est un toc, c’est un toc !". Le médecin n’a pas résisté à sa demande : cinq minutes après, elle sortait déplâtrée et elle portait une attelle souple. D’après son discours relativement incohérent, je crois qu’elle avait des galets en moins dans le ciboulot ! Un groupe de trois jeunes filles a ensuite mis une certaine animation. L’une d’entre elles s’était bagarrée et avait reçu un coup de couteau au dessus de la lèvre. Elle attendait qu’on la suture et elle hurlait à qui voulait bien l’entendre qu’elle était en train d’avaler son pus. J’ai également eu l’occasion de discuter avec une septuagénaire qui avait depuis quelques jours les chevilles anormalement gonflées et douloureuses. Sa fille, qui est médecin à Paris, lui a conseillé d’aller aux urgences pour avoir un avis, puisque son médecin traitant ne prend pas son cas au sérieux. Toutes ces petites anecdotes ont eu le mérite de m’occuper pendant que j’attendais.
Les heures passent, des gens agacés d’attendre et de ne pas être pris en charge quittent l’hôpital. Cela me ravit : j’attendrai moins longtemps ! Enfin...tout est relatif...A 18h, je crois que mon calvaire va bientôt se terminer. L’infirmière vient me chercher et me conduit dans la seule salle disponible, qui est une salle de pédiatrie, décorée avec de charmants lapins et canards aux murs. Je crois que je vais bientôt être examinée par un médecin, mais les minutes défilent et aucun médecin ne s’intéresse à moi. Je passe quelques coups de fil, j’en profite pour me peser sur la balance disponible dans la salle, je tripote mon petit orteil dans tous les sens. Il est un peu rouge mais pas si gonflé que ça. Par contre, il part toujours autant vers la gauche. Où est le médecin, bordel ??? Enfin, vers 19h15, une jeune femme arrive et se présente comme étant l’interne de garde. Je ne m’inquiète pas plus que ça, après tout il faut bien qu’elle apprenne son boulot, un peu comme ma stagiaire, et un problème aussi mineur qu’un petit orteil cassé doit largement faire partie de ses compétences. Elle regarde mes deux pieds, ne touche pas à l’orteil douloureux, le trouve un peu rouge et me dit que je dois faire une radio. Ca commence bien, on est d’accord, cela fait déjà plus de cinq heures que je l’attends cette radio ! L’interne me dit qu’un brancardier va venir me chercher. J’attends encore...et le brancardier arrive enfin. On me transporte en fauteuil roulant dans la salle de radiologie. Le manipulateur radio m’interroge, prend les clichés et revient dans la salle. Je lui demande si c’est cassé. Il me répond : "D’après vous ?". D’après moi, oui, c’est cassé. Le manipulateur radio le confirme...Youpi ! Le brancardier me raccompagne dans la salle commune où j’avais attendu pendant des heures l’année dernière quand j’avais eu ma colique néphrétique. Il y a plusieurs patients dans cette salle : un homme qui est arrivé aux urgences avec sa femme à 18h et qui doit être conduit en chirurgie pour je ne sais quoi, une femme bizarre qui attend son transfert en psychiatrie, un vieux qui râle, une vieille qui a mal. Je suis sur ma chaise roulante, et j’hallucine de devoir attendre autant alors que j’ai déjà passé ma journée dans ce maudit hôpital. Je suis fatiguée, je n’ai que deux tranches de pain dans le ventre depuis le matin, et je n’ai qu’une hâte, en finir au plus vite. Je vois passer mon interne. Elle jette un œil vers moi et je crois qu’elle se rend compte qu’elle a oublié de venir me voir ! Elle passe discuter avec moi quelques minutes après. Elle m’explique que j’ai une fracture, et que je vais avoir besoin d’une attelle. Oui, ça, je m’en doute bien. Ma mère avait eu le petit orteil fracturé l’an dernier pendant mon arrêt maladie et aux urgences de la clinique Saint George à Nice, elle avait eu droit à une syndactylie : on met un strap qui maintient le petit orteil avec l’orteil d’à côté, ce qui fait une attelle naturelle. Oui mais mon interne rajoute alors un "détail" qui me fait peur. Elle me parle d’attelle plâtrée ! Elle soulève son pied et m’indique que le plâtre arrivera là, au niveau de la cheville. Je suis sous le choc. Moi, plâtrée ! Encore ! C’est un vrai cauchemar ! L’interne m’explique que je dois garder le plâtre au moins dix jours, mais potentiellement trois semaines, le temps de la consolidation complète. Elle me dit que je dois revenir en consultation dans dix jours pour le premier contrôle. Je lui dit que je ne veux pas être soignée ici, que j’ai eu un gros accident de moto l’an dernier et que je préfère aller consulter le chirurgien qui s’est occupé de mon bras. Elle semble surprise de ma volonté de ne pas revenir dans cet hôpital, mais je suis certaine de prendre une décision sensée. Quand l’interne s’éloigne, je me mets à pleurer comme une idiote sur mon fauteuil roulant. Je suis stressée, je passe une journée merdique dans un hosto tout aussi merdique, et je vais être plâtrée ! Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi je dois être plâtrée, mais je me dis que d’autres os du pied doivent être fracturés pour qu’on en arrive à ce traitement plutôt que d’opter pour la syndactylie. Je me suis encore mise dans de beaux draps...juste en marchant près de mon vélo ! J’en ai marre d’attendre, personne ne s’occupe de venir me chercher pour me faire ce plâtre dont je ne veux pas. Enfin, une infirmière est envoyée pour me plâtrer. Nous allons dans la salle réservée à cet effet. L’infirmière, avant même de me dire quoi que ce soit d’autre, m’explique qu’elle ne comprend pas pourquoi elle me fait un plâtre, car normalement, on ne plâtre pas pour un orteil cassé. Euh, je rêve là ? Je lui raconte l’anecdote de l’orteil de ma mère soigné par une syndactylie, et l’infirmière me confirme que l’on procède comme cela normalement. Je supplie donc à l’infirmière de retourner voir l’interne pour savoir si je dois vraiment être plâtrée. Elle me dit que cela ne sert à rien, car elle a déjà demandé quatre fois, que l’interne ne veut rien savoir, et qu’elle doit suivre les ordres : me plâtrer ! J’ai eu la bonne idée de raconter à l’infirmière que je compte voir mon chirurgien pour la consultation des dix jours. Elle m’a dit de ne pas attendre dix jours, car selon elle, le chirurgien me déplâtrera immédiatement. Bref, cela n’empêche pas l’infirmière de commencer son travail : elle m’enfile une chaussette qui arrive sous le genou. Je lui demande si le plâtre montera jusque là. Elle me confirme que oui. Je n’en reviens pas, c’est pire que prévu ! Elle prépare ensuite les bandes de protection qui seront entre la chaussette et le plâtre, et enfin, elle moule le plâtre sur ma pauvre jambe qui n’a rien demandé. En quelques minutes, je suis handicapée. A mon arrivée à l’hôpital, j’avais mes deux jambes et un orteil cassé, et maintenant, j’ai une seule jambe utilisable et un orteil toujours aussi cassé. Une fois le plâtre posé, l’infirmière m’abandonne sur mon fauteuil roulant. Un peu plus tard, l’interne revient me voir, et me donne tout un tas d’ordonnances : une pour des injections quotidiennes d’anticoagulants à faire réaliser par une infirmière à domicile, une pour une prise de sang au bout d’une semaine pour suivre l’effet des anticoagulants sur mon organisme, une pour des calmants, une pour des béquilles (ils n’en ont pas sur place...), une pour une radio dans dix jours...Je demande à l’interne si je vais avoir un arrêt maladie. Elle me dit : "Ca dépend, vous faites quoi comme boulot, vous marchez beaucoup ?". Je lui dis que je suis ingénieur et elle semble penser que je n’ai pas besoin de mes jambes pour cela, ce qui n’est pas totalement faux. Je lui explique néanmoins qu’avec un plâtre, je ne risque pas de pouvoir me rendre à mon boulot. Elle trouve apparemment cet argument convaincant et me prescrit un arrêt maladie jusqu’au 11 juin. L’interne me laisse ensuite dans la salle et m’indique qu’on va venir me chercher pour me ramener à l’accueil quand mon "chauffeur" sera là. Cela tombe bien, je préviens Coco qu’il peut venir me récupérer à l’hôpital. Je demande alors à plusieurs personnes qui passent devant ma salle de me conduire à l’accueil. Personne ne semble disposé à le faire. Je n’ai pas de béquilles, mais je finis par décider d’y aller à cloche-pied. Je n’y arrive pas et je suis obligée de poser un peu la jambe plâtrée par terre. Pendant ce périlleux trajet, je croise l’infirmière qui m’a plâtrée. Elle veut savoir pourquoi je ne me suis pas déplacée en fauteuil roulant jusque là. Je lui réponds que personne n’a accepté de me conduire. Elle me dit que j’aurais pu me diriger moi-même avec le fauteuil car il roule bien. Mais bien sûr, moi, avec mon poignet droit qui me fait tellement mal depuis un an, je vais traîner mon poids sur un fauteuil roulant. Ah la la !
21h20, l’heure de la délivrance ! Coco arrive devant l’hôpital au moment exact où j’atteins le hall. Je monte en voiture, et hop, c’est parti. 21h40, je suis enfin chez moi, après 7h40 de calvaire ! Evidemment, je suis épuisée. Je n’ai pas la force de me faire à manger, et j’essaie de me déplacer tant bien que mal dans mon appartement. Je discute un peu sur MSN, je prends des photos de ma jambe, je poste un petit article sur mon blog, et je vais me coucher très tard. J’installe des coussins sous ma jambe gauche pour favoriser la circulation sanguine. Cela ne m’apporte pas un grand confort. J’ai encore l’avant des mollets douloureux suite à mon accident de l’an dernier et le plâtre accentue ces douleurs. Je dors tant bien que mal, et à 8h, je dois déjà me lever, car je compte bien me faire déplâtrer au plus vite.
(La suite au prochain épisode...)